Le combat est intéressant à regarder, comme c’était souvent le cas de la violence en général ; en être spectateur c’était sympa, la subir ça l’était beaucoup moins. Mais pour le moment le combat n’était pas centré autour de sa personne alors Louise observait. Toutes ces actions rapides, ces coups portés avec frénésie, elle ne pouvait pas les laisser se perdre entre les grains de sable du temps et alors récupéra son calepin et un crayon. La page se mit à être chargée de traits rapides, grossiers certes mais qui convenaient parfaitement à ce qu’elle voulait représenter : une scène confuse et en transformation constante. La toreador aurait volontiers demandé aux participants de s’arrêter quelques instants ne serait-ce que pour que la tête arrête de lui tourner mais elle ne se faisait que peu d’espoir quant à cette possibilité. Elle fit la moue en voyant le plaquage qui ruina complétement la composition de la scène, une horreur ! C’était comme si elle n’avait qu’à tout recommencer, quelle drôle d’idée aussi de se jeter sur son adversaire pour le mettre au sol aussi. Mais au moins le second vampire ne mit pas longtemps pour se relever et repasser à l’attaque. Un coup de tête, sauvage, brutal, mais efficace il fallait le dire. Le mortel au couteau tomba en arrière, le nez tordu, du sang se mettant à couler de sa narine ce qui rappela à Louise sa gorge sèche.

Cependant si elle pouvait simplement continuer ses esquisses et se rassasier la vie serait bien trop simple. Il fallait forcément qu’un des humains ne s’échappe avec les preuves ! Bon c’était un évènement qu’elle n’avait pas remarqué, trop occupée qu’elle était à gribouiller et à relever frénétiquement la tête pour la descendre ensuite afin de louper le moins possible de l’action bien trop riche qui se déroulait sous ses yeux. L’envie de se lancer à la poursuite du blondinet n’était évidemment pas présente dans son cœur trop accaparé par son œuvre mais, et ce même si elle ne l’admettrait jamais, il y avait plus important que ses esquisses. Alors avec un regard lancé au ciel et en posant délicatement son carnet elle descendit de son perchoir avec un soupir las. Il avait pris de l’avance, le blond, mais rien qui ne saurait l’empêcher de le rattraper, avec assez de temps. Sauf que c’était bien là qu’était le problème : elle n’en avait pas forcément, du temps. Elle s’engouffra derrière lui juste avant que la porte de service ne se referme complétement et le suivit en courant dans les escaliers. Malgré toutes ces années ça lui rappelait ce que sa tutrice lui disait : qu’une dame digne de ce nom se devait de marcher dans les escaliers, surtout lorsqu’elle était à la cour royale. Bon au vingt-et-unième siècle elle aurait probablement répondu par un geste qui n’était, lui non plus, pas digne d’une jeune fille de haute naissance mais à l’époque elle s’était renfrogné et avait ralentis pour marcher. Toutefois ce n’était pas le cas présentement, elle fit même l’inverse et accéléra, sautant dès lors qu’elle arrivait environ au milieu des escaliers. Elle gagnait du terrain et l’humain s’en rendait aussi bien compte qu’elle alors au lieu de poursuivre il enfonça une porte d’un coup d’épaule, manquant de tomber de peu lorsqu’elle céda sans aucun soucis. Il se rattrapa en se mettant à courir à moitié à quatre pattes le temps d’une ou deux secondes avant de se relever difficilement sans arrêter sa course. Refusant de s’abaisser à une position si animale, Louise fut forcée de ralentir.

Cet étage ressemblait à s’y méprendre avec celui qu’elle venait de quitter sauf qu’à celui-ci il n’y avait qu’une femme qui lisait et qui, ayant relevé la tête au passage du blond, semblait furieuse.

« Reviens! » Cria Louise qui tenta, vainement il fallait bien l’admettre, de le faire s’arrêter via des mots. « Je peux tout t’expliquer! »

Contre toute attente, du moins pour la toreador, il l’ignora, le goujat ! Quelle indignité ! Mais il sembla que son appel fut la goutte de trop pour la quadragénaire encolérée.
« Vous avez pas honte de faire du bruit à cette heure?! » Louise s’était remise en chasse mais fut arrêté, cette fois physiquement, par l’inconnue qui lui attrapa le bras, d’autant plus énervée d’avoir été ignorée aussi grossièrement. « Allez vous disputer avec votre compagnon dehors ! »

Plus que la prise sur son avant-bras, une prise somme toute assez faible dont elle n’aurait pas des masses de libérer, c’était bien ce qu’elle venait de dire qui la stoppa net.

« Mon compagnon, lui? » Le blondinet, à peine majeur si la toreador était bonne physionomiste, s’était retourné et souriait comme un imbécile. « Vous pensez que j’ai quel âge exactement ? »

C’était en posant la question qu’elle se rendit compte de la stupidité de ce qu’elle venait de dire étant donné qu’elle n’était pas loin de son troisième siècle.